Appel à contribution. L'Entraînement et le haut niveau dans les arts du cirque
Appel à contributions pour la revue Circus Sciences
L’entraînement et le haut niveau dans les arts du cirque
Karine Saroh et Pierre Philippe-Meden (dir.)
Le rapport de recherche : L’Artiste de cirque en entraînement (LACE), porté par l’Ésacto’Lido, a retracé l’évolution de la reconnaissance du temps professionnel constitué par l’entraînement, souvent considéré à la lisière de la pratique par la filière professionnelle voire par les artistes eux-mêmes[1], autant que par la recherche universitaire et scientifique en cirque[2]. L’institutionnalisation progressive des arts du cirque en France s’est en premier lieu concentrée sur des problématiques esthétiques et économiques — comme en témoignent les mesures de politique publique engagées dès la mise sous tutelle du ministère de la Culture en 1978[3].
L’équipe de recherche du programme LACE soutient l’hypothèse que dans les années 1980 le renouvellement des formes esthétiques du cirque par son ouverture au théâtre et à la danse aurait relégué la performance au service de la dramaturgie, et aurait placé les besoins liés au haut niveau (espaces, outils, etc.) à l’arrière-plan des nécessités relevant de la création, de la production et de la diffusion. Dans le même sens, Alain Reynaud, le co-fondateur des Nouveaux Nez & Cie et le directeur-artiste de La Cascade considère qu’après l’âge de l’apprentissage avec l’ouverture du Centre national des arts du cirque (1985) et celui de la création avec la labellisation des Pôles nationaux cirque (2010), voici venu l’âge du quotidien et de l’entraînement. Au cœur d’une actualité dynamique émergent aujourd’hui plusieurs projets de création de lieux d’entraînement, parmi lesquels celui du Pôle National Cirque La Cascade ou encore celui de la compagnie Galapiat.
S’entraîner[4] s’avère essentiel dans le quotidien de l’artiste de cirque dont l’engagement physique est comparable à celui exigé par le sport de haut niveau. Parmi les temps de la vie professionnelle de l’artiste : temps de la création, temps de la répétition, temps de la diffusion, etc., celui de l’entraînement vise à maintenir, entretenir, préserver ou développer des acquis techniques propres aux disciplines pratiquées au cirque (acrobatie, jonglage et magie, clown, dressage[5]) et à prévenir les risques de dysfonctionnements physiques et cognitifs pouvant mener à l’accident et à la blessure[6].
L’entrée biomédicale de la recherche scientifique concernant les effets liés à la pratique de haut niveau des arts du cirque sur l’organisme humain remonte aux années quatre-vingt. Elle a évolué grâce aux collaborations entre la Société française de médecine du cirque, la Faculté de médecine de Nancy et le Centre national des arts du cirque[7]. Dans la continuité de ces recherches, la notion de haut niveau fut encore mise en discussion « pour un statut juridique et social pour les artistes de cirque », le 9 octobre 2020, lors de la cinquième semaine internationale de cirque : Circus, Arts & Sciences[8].
Il n'existe toujours pas de liste ministérielle reconnaissant le statut d’artiste de haut niveau pour le cirque. L’entraînement reste non réglementé, exécuté de manière individuelle, autonome et sans statut social. Depuis plusieurs années, du côté des institutions, le Syndicat de cirque de création conjointement à la Fédération française des écoles de cirque réclament ce statut. Or, suivant les observations menées par l’Ésacto’Lido, suite à l’impact du confinement sur la vie des artistes de cirque : l’absence d’activité, les blessures, la suppression des spectacles et l’impossibilité de s’entraîner et de répéter dans les écoles de cirque de loisir, elles aussi fermées, l’entraînement fait désormais l’objet d’un intérêt particulier par le Ministère de la Culture qui entend lui offrir le cadre dont il a manqué.
Bien que les pratiques de haut niveau influencent l’ensemble des pratiques de cirque, autant le cirque scolaire que le cirque de loisir, les contributeur·trice·s attendu·e·s pour cette publication collective interrogent les spécificités de l’entraînement dans le cadre du secteur professionnel de cirque de haut niveau qu’il concerne les disciplines acrobatiques, de jonglage et de magie, de clown ou de dressage. Les contributions apportent des éléments aux questions qu’articule l’entraînement et participent ainsi à l’ouverture du champ universitaire émergeant que sont les études en cirque. Ainsi, le contenu de l’entraînement et la transformation des pratiques et des méthodes sont abordés du point de vue pluridisciplinaire caractéristique du champ des arts du spectacle (cirque, danse, théâtre, musique, cinéma…) autant que celui des sciences et techniques des activités physiques et sportives (sociologie, anthropologie, histoire, philosophie, psychologie…). Le sujet de la frontière entre l’entraînement et la recherche artistique, tout comme celui de l’entraînement créatif peut être posé. De nombreux·ses artistes de cirque sont arrivé·e·s au cirque par le sport, la gymnastique ou les arts martiaux.
Dans quelle mesure le modèle de l’entraînement gymnique classique, sportif conçu sur le paradigme du corps olympique-paralympique ou culturiste, son calendrier, ses protocoles, codes, rituels, mais aussi ses équipements (salles, machines, etc.), serait-il susceptible de constituer un frein à l’imaginaire et à la création ? Qu’en est-il du rejet de la culture sportive par les générations d’artistes de cirque actuellement en formation ? De quel « éthos égalitaire / démocratique »[9] serait-il significatif ? Quelles variables sont manifestes suivant les cultures d’écoles et de pays ? Comment l’engouement pour les pratiques d’éducation somatiques (Feldenkrais, Alexander, etc.), les pratiques émersiologiques[10] ou les écosomatiques[11] participe-t-il à innover des modes d’entraînement vers des pratiques autrement sensibles ? Des méthodes d’entraînement permettent-elles de « désapprendre » ou de « déconstruire » ses habitus gymniques, qualités physiques (musculature, niveaux de performance, etc.) et normes intégrées de corps sportifs (stéréotypes de genre, situations de handicap, etc.) pour façonner un autre corps de cirque ? S’entraîne-t-on de la même manière, à la même régularité et fréquence en sortie d’école que dix ans après, aux périodes de ménopause et andropause ? Les innovations technologiques tels que les objets connectés participent-elles au renouvellement des pratiques d’entraînement ? La performance de haut niveau incite-t-elle les artistes de cirque à des formes de dopage ? Qu’en est-il du dopage à des fins créatives ?
Dans ce cadre d’un questionnement qui n’est pas limitatif, les témoignages d’artistes passés de la culture du corps sportif à la culture du corps de cirque sont appréciés autant que les études scientifiques sur les trajectoires de vie, les fonctions, effets et transformations de l’entraînement. Les problématiques matérielles spécifiques aux arts du cirque seront prises en compte : agrès, itinérance, économie, récupération, changement de numéro, de partenaire, de matériel, etc., autant que les dynamiques sociales propres aux espaces d’entraînement partagés : aspect communautaire, transmission et partage de savoir.
[1] Voir la partie I du rapport de recherche L’Artiste de cirque en entraînement porté par l’Ésacto’Lido et soutenu par le ministère de la Culture – DGCA. Publication à paraître en mars 2022.
[2] Hormis quelques travaux à l’image de : Andrieu, Bernard, Apprendre de son corps, une méthode émersive au Cnac, PURH, 2017 ; Dolleans, Raphaël, L'expérience vécue par les acrobates de haut niveau : l'analyse de l'apprentissage au cours de l'expérience d'entraînement par les acrobates de haut niveau,Éditions Universitaires Européennes, 2018 ; Dumont, Agathe, Pour une exploration du geste virtuose en danse. Passage XXe-XXIe siècle. Danseurs, "breakers", acrobates au travail, thèse de doctorat en études théâtrales, sous la dir. de Christine Hamon-Sirejols, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, 2011.
[3] Voir : Salaméro, Émilie, « Politiques publiques du cirque. Reconnaissance artistique et segmentation d’une profession (1978-1993) », Politix, vol. 121, n°1, 2018, p. 217-237 ; Cordier, Marine, « Acteurs et enjeux de la démocratisation culturelle : le cas du cirque », La démocratisation culturelle au fil de l’histoire contemporaine, Comité d’histoire du ministère de la Culture et de la Communication, Centre d’histoire de Sciences-Po Paris, Paris, 2013. En ligne, consulté le 6 janvier 2022 : http://chmcc.hypotheses.org/530.
[4] Vigarello, Georges, « S’entraîner », Histoire du corps. Tome 3 : Les Mutations du regard. Le XXe siècle, Jean-Jacques Courtine (dir.), Seuil, 2006, p. 163-197.
[5] Selon la nomenclature de l’encyclopédie BnF CNAC. En ligne, consultée le 6 janvier 2022 : https://cirque-cnac.bnf.fr.
[6] Voir les travaux réunis par Goudard, Philippe, et Barrault, Denys (dir.), Médecine et cirque, Sauramps Médical, 2020 et le projet de recherche « Santé » porté par le Centre national des arts du cirque et Agathe Dumont, soutenu par le ministère de la Culture – DGCA.
[7] Goudard, Philippe, et Barrault, Denys (dir.), Médecine du cirque. Vingt siècles après Galien, L’Entretemps, « Écrits sur le sable », 2004.
[8] À l’Université Paul-Valéry Montpellier 3. Programme en ligne, consulté le 6 janvier 2021 : http://ccu.univ-montp3.fr/evenement/2020-2021/circus-arts-sciences.
[9] Peix-Vives, Nina, L’entrainement des jeunes artistes de cirque à l’épreuve de la pandémie de Covid-19, mémoire de recherche de master 2 STAPS, mention Ingénierie du Développement du Sport et des Loisirs, sous la dir. d’Émilie Salaméro, Université Toulouse Paul Sabatier, 2021.
[10] Andrieu, Bernard (dir.), Manuel d’émersiologie. Apprends le langage du corps, Mimésis, 2020.
[11] Clavel, Joanne, Ginot Isabelle, Bardet, Marie, Écosomatiques : penser l’écologie depuis le geste, Deuxième époque, 2019.
Les propositions de contribution en document word (.docx) entre 2.000 et 4.000 signes (espaces compris) en police 12 Times New Roman, interligne 1,5, mentionneront : nom, prénom, statut, rattachement institutionnel et cinq mots clés. Elles devront être accompagnées d’une courte bio-bibliographie. Elles sont à envoyer avant le 10 mars 2022 aux deux adresses mail : Karine Saroh (recherche.esacto@gmail.com) et Pierre Philippe-Meden (pierre.philippe-meden@univ-montp3.fr).
Cette publication scientifique collective dans la revue Circus Sciences (PULM) s’inscrit dans le programme de recherche L’Artiste de cirque en entrainement porté par l’Ésacto’Lido et soutenu par le ministère de la Culture – DGCA dans le cadre de l’appel à projets recherche en théâtre, cirque, marionnette, arts de la rue, conte, mime et arts du geste 2020.
Mots clés
Cirque ; Entraînement ; Corps
Partenaires
École supérieure des arts du cirque Toulouse-Occitanie (Ésacto’Lido)
Circus Sciences - Société d’histoire et anthropologie des arts du cirque (SHA2Cirque)
Représenter, inventer la Réalité, du Romantisme au XXIe siècle (RiRRa21 EA4209)
Université Paul-Valéry Montpellier 3
Collectif des Chercheur·e·s en Cirque (CCCirque)
Calendrier
Janvier 2022 : envoi de l’appel à contributions.
10 mars 2022 : envoi des propositions
15 mars 2022 : retour d’expertise sur les propositions
7 Novembre 2022 : réception des articles
Janvier 2023-Août 2023 : navettes d’expertise
Septembre 2023 : envoi du manuscrit final
Novembre 2023 : publication
Comité scientifique
Bernard Andrieu, PU, Université de Paris
Laurent Berger, MCF, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Marine Cordier, MCF, Université Paris Ouest Nanterre
Charlène Dray, Dr. ATER, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Agathe Dumont, Dr., PEA ESAD TALM-Anger
Tony Froissart, MCF, Université Reims Champagne-Ardenne
Philippe Goudard, PU émérite, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Marion Guyez, MCF, Université Grenoble Alpes
Stéphane Héas, MCF-HDR, Université de Rennes 2
Pierre Philippe-Meden, MCF, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Émilie Salaméro, MCF, Université Paul Sabatier Toulouse 3
Karine Saroh, Dr., Chargée de recherche et développement à l’Ésacto’Lido
Magali Sizorn, MCF, Université de Rouen Normandie
Pistes bibliographiques
- Andrieu, Bernard (dir.), Manuel d’émersiologie. Apprends le langage du corps, Mimésis, 2020.
- Andrieu, Bernard, Okui, Haruka, Thomas, Cyril, et al., “Learning by our Body Movements. Emersive Health in the Centre National des Arts du Cirque (CNAC)”, in Margarete Fuchs, Anna-Sophie Jürgens and Jörg Schuster (Eds.), Manegenkünste – Zirkus als ästhetisches Modell, transcript Verlag, 2020, p. 176-192.
- Andrieu, Bernard, Apprendre de son corps, une méthode émersive au Cnac, PURH, 2017.
- Besson, Ilavia, “Contemporary Circus Careers: Labour relations and normative selfhood in the Neoliberal Scenario”, Performance Matters, n° 4, 2018, p. 99-103.
- Fagot, Sylvain, Le cirque : entre culture du corps et culture du risque, L’Harmattan, « Logiques sociales », 2010.
- Garcia, Marie-Carmen, Cogérino, Geneviève, et Fouilhoux, Biliana (dir.), « Artistique et sensible… » (1/2), STAPS, n° 102, 2013.
- Garcia, Marie-Carmen, Cogérino, Geneviève, et Fouilhoux, Biliana (dir.), « Artistique et sensible… » (2/2), STAPS, n° 103, 2014.
- Goudard, Philippe, et Barrault, Denys (dir.), Médecine et cirque, Sauramps Médical, 2020.
- Macquet, Anne-Claire, L’organisation des temps dans les activités d’entraînement. Des inventions locales dans un cadre contraignant, Rapport du projet de recherche n° 05-24 du Laboratoire de Psychologie et d’Ergonomie du Sport, 2008.
- Ollier, Emmanuelle, « Le corps à l’épreuve de la performance », Ligeia, vol. 121-124, n° 1, 2013, p. 33-36.
- Peix-Vives, Nina, L’entrainement des jeunes artistes de cirque à l’épreuve de la pandémie de Covid-19, mémoire de recherche de master 2 STAPS, mention Ingénierie du Développement du Sport et des Loisirs, sous la dir. d’Émilie Salaméro, Université Toulouse Paul Sabatier, 2021.
- Perrin, Claire, et Guerry, Maëlle, « Danse et corps hors norme : une performance artistique de la vulnérabilité », Ligeia, vol. 121-124, n° 1, 2013, p. 37-44.
- Philippe-Meden, Pierre, « Training pour une prière charnelle chez Jerzy Grotowski (1933-1999) », dans Tony Froissart et Cyril Thomas (dir.), Arts du cirque et spectacle vivant. Vol 1 : les Formations en arts du cirque et en activités physiques artistiques, EPURE, « Sports, acteurs, représentations », 2019, p. 113-124.
- Philippe-Meden, Pierre, et Liotard, Philippe, « Voyage entre les corps à la fin du XIXe et au début du XXe siècle », dans Bernard Andrieu et Cyril Thomas, (dir.), Entre les corps. Les pratiques émersiologiques aujourd’hui (cirque, marionnette, performance et arts immersifs), Paris, L’Harmattan, « Mouvement des savoirs », 2017, p. 175-194.
- Philippe-Meden, Pierre, Du Sport à la scène, PUB, « Corps de l’esprit », 2017.
- Ramirez Morales, Gabriel, L'entraînement acrobatique au sein du cirque : de l'enfant à l'artiste : manuel pratique, Paris, L’Harmattan, 2005.
- Roger, Anne, « La notion d’entraînement en éducation physique et sportive des années 1960 aux années 1990. D’un entraînement sportif à un entraînement scolaire », STAPS, n° 109, 2015, p.79-94.
- Rosset Llobet, Jaume, Fabregas Molas, Silvia, L'entraînement physique du musicien, Alexitère, « Médecine des arts », 2006.
- Salaméro, Émilie, « Politiques publiques du cirque. Reconnaissance artistique et segmentation d’une profession (1978-1993) », Politix, vol. 121, n° 1, 2018, p. 217-237.
- Sizorn, Magali, Trapézistes. Ethnosociologie d’un cirque en mouvement, PUR, « Des Sociétés », 2013.
- Vigarello, Georges, « S’entrainer », Histoire du corps. Tome 3 : Les Mutations du regard. Le XXe siècle, Jean-Jacques Courtine (dir.), Seuil, 2006, p. 163-197.
- Zaalene, Sabine, « Mémoire de la pratique sportive, l’action dans l’engagement artistique », Ligeia, vol. 121-124, n° 1, 2013, p. 91-102.
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