Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pages

Archives

Publié par SOFETH

Colloque ethnomusiKa


Musée du Quai Branly – Paris, France


13 et 14 juin 2013


A corps et voix
Repenser le politique au prisme des pratiques musicales et dansées

 

Les liens entre musique, danse et politique relèvent d’une thématique centrale pour l’anthropologie. La musique et la danse, notamment dans leur dimension performative, représentent des activités génératrices d’expériences sensibles singulières et puissantes pour les individus, qu’ils en soient les producteurs ou les récepteurs. Modes d’action sur le monde générant de nouveaux types de relations, musique et danse seraient en ce sens susceptibles de créer de nouvelles catégories de pensée. L’affaissement des grands paradigmes structuralistes au profit d’une micro-anthropologie relationnelle des rapports sociaux a permis de sublimer la question de l’efficacité de la musique et de la danse, tout en repoussant à l’arrière plan des questionnements plus larges sur leur articulation avec la configuration du pouvoir, des rapports de force et des institutions qui sont centrales dans la question du politique. L’objectif de ces journées d’études est d’interroger l’efficacité politique de la musique et de la danse en considérant à la fois leurs dimensions esthétiques et leurs effets dans le monde social.


Platon avertit que l’on ne peut changer les modes de la musique sans bouleverser les lois fondamentales de l’Etat. La musique et la danse constituent un biais par lequel les catégories dominantes peuvent être affirmées mais également contestées et renégociées. Ces pratiques sont ainsi manipulées en tant qu’espaces privilégiés du politique, que ce soit par des appareils d’Etat coercitifs, par les groupes dominants ou par les groupes subalternes qui les mobilisent comme activités de résistance et d’émancipation. Si les voix, les sons et les gestes dansés représentent des matières privilégiées pour l’incorporation de la hiérarchisation des valeurs produites par les dominants, ils peuvent également être au cœur de techniques de subversion et de détournement des rapports de force. La sémiologie complexe des pratiques telle que musique et danse, qui ne sont pas à proprement parler des langages - alors même que l’anthropologie ne cesse de vouloir les faire parler - nous invite à interroger les multiples couches de sens qu’elles mobilisent. Nous serons particulièrement attentifs aux significations publiques, mais également cachées, internes à certains acteurs, où peut se loger une dimension politique qui n’est pas toujours explicitée.


Qu’est-ce que la musique et la danse peuvent nous apprendre sur la technologie de la domination (Foucault) et sur la technologie des pratiques de résistance (Scott) ? Comment à son tour une analyse de la dimension politique de la musique et de la danse nous renseigne sur la nature de ces activités sociales singulières ?


Nous proposons ici quatre axes dans lesquels les contributions pourront s’inscrire.


I. Politiques culturelles et stratégies politiques de l’identité : l’Etat-Nation face à ses minorités


Dans la création des Etat-Nations, la question de l'appartenance et de l'identité nationale entraine l'apparition d'un nouveau statut : celui de la minorité. Les stratégies politiques peuvent mettre en marge ceux qui ne correspondent pas aux critères et aux normes établies par l'Etat Nation, ils stigmatisent les mémoires, les générations et forment des consciences « minoritaires ». À partir d’exemples ethnographiques, cet axe interrogea le rapport de force entre minorités et Etat-Nations à travers les pratiques musico-chorégraphiques. Dans un contexte contemporain de patrimonialisation intensive, comment les pratiques musicales sont- elles formulées, organisées et interprétées aussi bien par les groupes minoritaires, par les élites politiques et par les instances nationales et internationales ? Quelles sont les institutions – conservatoires, universités, administrateurs culturels - impliqués dans des formes de « traditionalisme d’Etat » ? En quoi les pratiques musicales et dansées sont-elles centrales pour les groupes minoritaires dans les processus de négociation de visibilité et de pouvoir symbolique et politique au sein des communautés nationales ?


II. Investir l’espace : musique, danse et territoire


Les performances musico-chorégraphiques peuvent être utilisées pour construire des catégories sociales, ethniques, de genre, ou encore générationnelles. Les travaux des géographes de la musique explorent également l’inscription des pratiques musicales dans des espaces physiques choisis, organisés et investis de significations. Analyser la performance en tant qu’espace symbolique des relations permet ainsi d’interroger la façon dont le territoire reflète le sens donné aux pratiques musicales et les positionnements de leurs acteurs. En d’autres termes, prendre l’espace physique, c’est prendre position dans l’espace social. À partir d’exemples ethnographiques cet axe interrogera la notion de «lieu» et son investissement par les individus, ouvrant une réflexion sur l’articulation entre musique, danse et territoire. Comment les hommes s’approprient et transforment-ils les territoires par les pratiques musico-chorégraphiques, que ce soit au niveau local, national ou international ? Comment la musique et la danse contribuent-elles à la définition et à la reconfiguration des espaces privés et publics ?


III. La voix politique : pouvoir de la musique et des mots


La parole chantée semble insuffler à son contenu une efficacité singulière : entonné en groupe, un chant prend une dimension collective qui lui confère une puissance sans pareil. Quand la voix mise en musique se fait porteuse d’un engagement, d’un positionnement politique, elle devient pouvoir mobilisateur : celui des chants révolutionnaires et des hymnes nationaux. La musique peut également exercer une influence particulière sur l’efficacité de la parole politique. Cet axe interrogera donc les spécificités de la parole chantée. Les débats théoriques autour de la pertinence d’une approche sémantique de la musique peuvent ainsi constituer une base de réflexion pertinente pour appréhender les rapports entre musique et langage. Quelles propriétés la parole acquière-t-elle par sa mise en musique ? Comment la mélodisation et la mise en rythme de paroles contribuent-t-elles à leur efficacité ? Comment un genre musical, une chanson ou un individu deviennent-ils la voix d’une cause politique, le représentant de revendications ou d’une identité ? Autant de procédés qui pourront être analysés à travers des exemples ethnographiques précis où le sens de la parole mise en musique peut être autant sublimé que détourné.


IV. Musique et danse : des pratiques politiques efficaces ?


Pourquoi, plus que toute autre activité sociale, la musique et/ou la danse sont-elles toujours

au cœur des processus politiques et plus particulièrement des stratégies politiques de l’identité ? De nombreux travaux ethnologiques et ethnomusicologiques ont montré comment ce type de pratiques et d’expériences esthétiques révélait une puissance politique transformatrice et agissait concrètement sur l’organisation sociale des groupes et plus largement des sociétés. Au delà des spécificités propres à chaque terrain, il s’agira d’interroger, de manière générale, la nature même des actes dansés et musicaux et des dynamiques qu’ils génèrent. Emergence d’un modèle relationnel spécifique, propriétés cognitives et émotionnelles particulières, mode de communication propre ou expérience singulière de l’altérité sont autant de caractéristiques possibles (la liste est évidemment ouverte) permettant d’esquisser une réponse théorique à cette question initiale. Enfin, musique et danse peuvent également être appréhendées distinctivement, c’est à dire comme des matériaux qui n'agissent pas sur les mêmes objets, ni de la même manière : quelles en sont alors les différences fondamentales ?


Modalités


Les communications orales auront une durée de 30 min, suivies de 15 min de discussion.

Date limite d’envoi des propositions : 7 février

Résumé de 3 000 signes suivi du nom, affiliation et contact email.


Les propositions sont à envoyer à l’adresse suivante : recherche@festival-ethnomusika.org

 Date de rendu de la sélection du comité scientifique : 8 mars

Date d’envoi des communications par les personnes retenues : 20 mai
Maximum de 16 000 signes. Ce texte permettra aux introducteurs et aux modérateurs de préparer leur intervention et facilitera la publication envisagée.


page3image13288

Keynote speaker :

Loïc Wacquant (Berkeley University)


Intervenants invités (introduction des sessions et table ronde finale) :

Marie-Pierre Gibert (Lyon 2)
Denis Laborde (EHESS)
Rosalía Martínez (Paris 8)
Yves Raibaud (Université de Bordeaux 3) Loïc Wacquant (Berkeley University)


Comité scientifique :

Eftychia Droutsa (Paris-Sorbonne)
Nathalie Gauthard (Université Nice-Sofia Antipolis) Christine Guillebaud (CREM-CNRS)
Sara Le Ménestrel (CENA-CNRS)
Bernard Lory (INALCO)
Yves Raibaud (Université de Bordeaux) 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article